Rendez-vos copies !

Quelle belle écriture, vous ne trouvez pas ?
Quelle belle écriture, vous ne trouvez pas ?

Me revoilà, après une absence un peu prolongée pour vous présenter un type d’exercice de calligraphie des plus pratiqués et des plus classiques : la recopie (臨書 Rinsho) des caractères de quelqu’un d’autre. Pour l’exposition de fin d’année de mon cours de calligraphie, il faut obligatoirement rendre une oeuvre Rinsho. Cette année, j’ai recopié un makimono (rouleau) de Koteiken, un célèbre calligraphe chinois de la dynastie Song. C’est un grand « classique » et nous étions au moins une bonne dizaine à avoir choisi le même modèle pourtant… pas une seule des œuvres n’était identique.

Très naturellement, la plupart des gens pensent que la copie est pratiquée par les débutants afin de comprendre et d’assimiler le maniement du pinceau, les styles d’écriture, la composition des caractères etc. et qu’on arrête ce genre d’exercice quand on peut écrire ses propres caractères sans avoir besoin de modèle.  En réalité, le « Rinsho » va bien au delà d’un apprentissage en « recopiant bêtement » et il y a une vraie dimension créatrice dans cet exercice qui est pratiqué par les calligraphes les plus avertis.

Pourquoi ?

Déjà, si vous prenez votre pinceau et que vous recopiez le même caractère plusieurs fois de suite, vous constaterez que les résultats ne sont jamais exactement identiques. On trouvera une même tendance dans les caractéristiques du caractère que vous écrivez mais l’être humain n’étant pas une photocopieuse et ce n’est JAMAIS le même résultat. C’est d’ailleurs plutôt rageant par moment mais on y peut rien, c’est le principe inviolable de la calligraphie. De ce principe découle naturellement aussi que l’humeur ou l’état de santé d’une personne ont une influence importante sur son écriture.

Ensuite, si vous donnez le même modèle à deux personnes différentes, vous constaterez que les résultats ne sont pas les mêmes. La forme des caractères, le dynamisme du trait… Ce sont les mêmes caractères mais ce n’est pas la même chose en résultat. Et comme nous avec la graphologie, les japonais pensent que la personnalité d’une personne se reflète clairement dans les caractères qu’elle écrit. Figurez-vous que j’ai même rencontré quelqu’un qui avait abandonné la calligraphie par peur de ce que ses caractères allaient bien pouvoir refléter !

Voilà pourquoi, au-delà de la difficulté à reproduire correctement le modèle, une simple recopie reste toujours une vraie œuvre très personnelle. Sans compter que si vous changez le papier, le pinceau ou l’encre, le résultat est là encore sensiblement différent !

En conclusion, je m’offre une petite heure de gloire car j’ai reçu un prix pour cette œuvre, le « prix de l’effort ». Evidemment ce ne devrait pas être à moi de le dire mais le contexte blogesque m’oblige à m’auto-congratuler ou à me taire… désolée, j’ai choisi de parler : c’était mérité !!! Cela a été un vrai travail de volonté pour mener à bout l’écriture de ces 150 caractères chinois pour une étrangère qui utilise habituellement seulement 26 lettres de l’alphabet. Pour en arriver à ce résultat, j’ai fait un très grand nombre de tentatives et à chaque fois, c’était deux heures pour préparer l’encre, trois à quatre heure pour copier. Au départ, c’était très difficile, j’étais exténuée à la fin et cela se voyait clairement dans le résultat avec les colonnes qui allaient de plus en plus de traviole… Et puis à force d’acharnement, je me suis habituée et je suis arrivée à trouver ça un peu trop rébarbatif ! C’est à partir de ce moment-là que j’ai sorti la meilleure copie… Alors, à votre avis : cet état d’esprit s’est-il reflété dans mes caractères ???

Parmi les autres rouleaux, mon prix de l’effort (c.f. la petite étiquette en rouge !) dont vous ne voyez en réalité que la moitié par manque de place pour l’exposer en entier…