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Petits mensonges entre poètes

Qu’il ne soit pas dit que lors de ce long mois d’interruption, ce blog en aura profité pour se tourner les pouces ! Au contraire, j’ai travaillé dur du pinceau et du haikai et je suis heureuse de vous en faire partager les fruits. Pour commencer, cette semaine, je vous livre quelques impressions sur un très célèbre site poétique japonais que je suis allée collecter dans l’intervalle rien que pour vous, les lecteurs de ce blog (et parce que je cherchais une destination sympa et originale pour mes vacances, c’est un peu vrai aussi !) : l’île de Sadoga, une petite île dans la mer du Japon au large de Niigata.

Des jolies petites fleurs sur l’île de Sadoga
Des jolies petites fleurs sur l’île de Sadoga

Il faut savoir que la réputation poétique de l’île de Sadoga  ne lui était a priori pas pré-destinée : à l’époque Muromachi (14-15ième siècle), cette île était devenue une prison où l’on envoyait en exil les opposants politiques au shogunat. Ensuite, à l’époque d’Edo (17-19ième siècle), une mine d’or a été découverte et on y a envoyé des criminels condamnés aux travaux forcés.  Et puis finalement, par un beau soir du mois de Juillet, notre grand poète voyageur Basho qui remontait vers le nord en longeant la côte de la mer du Japon s’est arrêté à la hauteur du village de Izumozaki et frappé par le paysage, il a composé le haiku suivant :

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Une très bonne photo loupée, non ?

荒海や…  Ura umi ya / Ah, mer déchaînée !

佐渡によこたふ… Sado ni yoko tafu / S’étendant à travers l’île de Sadoga

天の川… Ama no gawa / La voie lactée.

C’est ainsi que notre génial poète brossa si simplement mais si magnifiquement l’atmosphère dramatique de l’île de Sadoga, à travers des côtes frappées par la violente houle de la mer du Japon et en contraste avec la sérénité qui se dégage du ciel baigné par la lumière de la voie lactée.

En réalité, devenir un site poétique est avant tout une question d’opportunité, qu’on se le dise ! La voie lactée, « Ama no gawa » qui se traduirait littéralement par « le fleuve céleste » (le haiku sonne d’autant plus poétique en japonais), est un mot de saison qui désigne un jour particulier du mois de Juillet (plus précisément le 7 Juillet) et il avait l’avantage certain de marquer dans le journal de voyage le moment du passage à Izumozaki. On pourrait imagine que si Bashô était arrivé un peu avant ou après par exemple et bien c’était loupé ! L’île de Sadoga serait restée à tout jamais un simple et très triste souvenir d’une période particulièrement cruelle de l’histoire du Japon. Par exemple, alors que l’on manquait de criminels et donc de bras pour faire tourner la mine, le shogun Tokugawa eut l’idée de recruter (de force) des sans-papiers ou sans-domicile-fixe… des gens a priori innocents mais qui pouvaient disparaître du jour au lendemain sans que personne ne s’en soucie.

Un cimetière à Sadogashima
Un cimetière à Sadogashima

Pour mon témoignage, je commencerai par vous le préciser : de Kyoto, Sado n’est pas la porte à côté ! Il faut déjà se rendre à Niigata (574 km au nord de Kyoto) et prendre un ferry qui met à peu près deux heures et demi pour arriver au port le plus proche de l’île. C’était un vrai voyage à la japonaise où j’ai passé plus de temps à y aller qu’à rester sur place… ce qui se rapproche au mieux des conditions de voyage de Basho finalement. De vraies vacances très pittoresques donc !

Un joli temple de Sadogashima
Le très joli jardin d’un temple de Sadogashima

Mais quelle ne fut ma surprise de constater que depuis le port de Niigata par ce grand beau ciel bleu si dégagé… absolument impossible de distinguer au loin la moindre forme rappelant les côtes de l’île de Sadoga ! Effectivement, je n’étais pas au même endroit que Basho mais quand même, là, je me suis mise à douter un peu. Enfin, au bout de 1h30 de traversée, on finit par apercevoir les côtes mais dans le même temps, la nuit tombait et quand j’ai essayé d’immortaliser avec mon appareil photo… pas assez de lumière… mes doutes se sont renforcés.  Je confirme toutefois que l’île est un endroit terrible pour regarder la voie lactée car il n’y a pas beaucoup de lumières parasites, en conséquence on distingue bien les étoiles… au dessus de sa tête ! Oui parce qu’en fait, quand on regarde à l’horizontal, un paysage au loin devant soi… les lumières de la voie lactée… oui ben non, on peut pas les voir, c’est pas possible.

Je n’aime pas casser les mythes ni jouer les rabat-joie mais quand même, je dois vous le signaler car je me suis renseignée à mon retour : le haiku n’est probablement pas du vrai vécu et vraisemblablement du trafiqué ! Le carnet de voyage de Basho rempli de ses géniallissimes haiku est une version qu’il a rédigé quelques années après le dit-voyage. Il est apparu tout d’abord dans le compte-rendu d’une réunion de poésie et si l’on en croit les commentaires, ces quelques vers auraient été inspirés à Basho suite à son passage dans la région. Ensuite, si l’on regarde ensuite le carnet de voyage (écrit en temps réel lui) de son compagnon de voyage, il est reporté qu’à leur arrivée à Izumozaki… il pleuvait assez fort.

Ouh la la le vilain tricheur !!!

Oui mais c’était plutôt de bonne guerre car l’écriture de vers en différé et arrangés à sa sauce était monnaie courante à cette époque, l’essentiel étant de trouver une bonne composition poétique avant tout !

Et pour le cas de Basho et l’île de Sado, ce fut particulièrement réussi… vous ne trouvez pas ?

Un coucher de soleil à Sadogashima
Un coucher de soleil à Sadogashima

It’s A Man’s, Man’s, Man’s World…

Ou derrière chaque grand homme, se cache une femme dit-on en français. En ce qui concerne les japonais, qu’en est-il donc ???

fleurs

Et bien, par exemple, si vous prenez le haiku très célèbre du poète Kobayashi Issa :

ともかくも/ Tomokakumo / Quoiqu’il arrive

あなたまかせの/ Anata makase no / Je m’en remets à vous

年の暮れ / Toshi no kure / Pour les années qui passent

A la première lecture, j’ai (et la plupart des japonais aussi) pensé que ces quelques vers étaient dédiés à la femme du poète ; en japonais, on utilise couramment le pronom personnel « Anata » (« vous ») pour s’adresser à son épouse. Le mot de saison « Toshi no Kure » renvoie à la fin de l’année, l’hiver, et par extension on peut dire aussi qu’il fait référence à l’hiver de l’existence humaine. Issa s’en serait remis à son épouse pour les dernières années qui lui restaient à vivre… Si vous vous intéressez un peu à la biographie de ce poète, vous constaterez que s’il a consacré la première partie de sa vie à la poésie et qu’arrivé à la cinquantaine, il a tenté à plusieurs reprises de fonder une famille… sans grand succès malheureusement et soi-dit en passant. Victor Hugo n’aurait probablement pas imaginé meilleur personnage qu’un type comme Issa s’il avait eu à écrire une version nippone des misérables ! Sa première femme ainsi que les trois enfants issus de cette union sont morts en l’intervalle d’à peine quelques années ; il a divorcé de sa deuxième femme au bout d’à peine trois mois de mariage et pour couronner le tout : il meurt peu de temps avant que sa troisième femme donne naissance à une petite fille (qui elle, survivra jusqu’à l’âge adulte normal).

Pour en revenir à la signification de ce poème, en réalité… la formule « Anata-makase » est aussi une prière traditionnelle s’adressant à la déité Amitābha. Issa étant un fervent pratiquant bouddhiste, le haïku aurait un sens très spirituel de « quoiqu’il arrive j’accepte la destinée que Amitābha m’a donné ». Effectivement, si on regarde la vie de Issa sous cet angle, cela tombe sous le sens également et les biographes du poète qui réfutent la dédicace à son épouse ont probablement raison ! Remise de cette déception (je suis trop fleur bleue, c’est vrai !), voici quelques pensées qui me sont venues suite à cette confusion.

bouddha

La première, c’est qu’elle donne un assez bon témoignage de la situation concernant la poésie japonaise. Après la fabuleuse époque moyen-âgeuse Heian où les grandes effusions de sentiments étaient monnaie courante dans les poèmes d’amour, on retrouve l’époque d’Edo (17ie au 19ie siècle) où les japonais sont tout autant créatifs dans le domaine poétique mais bien plus pudiques concernant leurs émotions. Dans les haïku (poésie apparue au milieu du 17ie siècle) des trois grands maîtres, Basho-Buson et Issa, vous ne trouverez aucune mention d’aucune sorte à l’amour… sauf pour effectivement un cas : le chagrin d’amour du pauvre Buson qui regarde tristement le ciel gris et la petite pluie froide d’automne. L’exception qui confirme la règle dira-t-on. Avec cette forme de poésie devenue « traditionnelle », on fait principalement les louanges de la nature et des changements de saison, des scènes de la vie quotidienne et… c’est tout !

Contrairement à l’époque Heian, aucune femme poète n’est passée à la postérité à l’époque Edo. Entre ces deux périodes, les guerriers samuraï ont pris les rênes du pouvoir et ont imposé au Japon une société à tendance phallocratique où les femmes ont été reléguées aux rôles secondaires de mères ou d’épouses. Il était sûrement difficile d’afficher ouvertement ses sentiments envers le sexe « faible » même dans le processus de création poétique. Enfin nous nous abstiendrons de faire la leçon aux japonais ; vous, chers compatriotes et hommes français, vous avez été miraculeusement sauvés par le siècle des lumières mais à part ça, vous n’avez guère été plus brillants dans la période d’hégémonie de l’Eglise catholique (par exemple).

Moralité : ne vous laissez pas tromper par les japonais qui proclament fièrement que les haïku reflètent à merveille l’âme japonaise ! En réalité, c’est vrai mais c’est un petit peu réducteur, les japonais sont capables de bien plus de romantisme que ça aussi, ils l’ont prouvé à l’époque Heian.  Enfin, pour en revenir au poème d’Issa, je suis fleur bleue et têtue, je persiste et je signe ! Ce possible double sens – épouse et déïté – fait toute la beauté du poème. Par ailleurs, je pense que cela n’a pas pu échapper à ce grand poète qu’était Issa et qu’il l’a peut être fait en connaissance de cause… mais techniquement, l’histoire n’en a gardé aucune trace et cela ne restera qu’un avis qui n’engage que ce blog : c’est vrai !

Âmes pudiques s’abstenir… ou comment la calligraphie peut vous mettre à nu !

michiS’il y a bien une chose que ce blog trouve dommage, c’est qu’il n’y ait pas de traduction appropriée pour son domaine de prédilection Shodo « 書道 ». Pour être exact, on devrait dire « la voie de l’écriture » mais en français, on traduit généralement le terme par « calligraphie japonaise ». Peu importe me direz-vous, lorsque l’on consulte le dictionnaire, on trouve dans le Larousse :

Calligraphie : art de former d’une façon élégante et ornée les caractères de l’écriture ; écriture formée selon cet art.

et on s’en satisfait, non ? L’art de former d’une façon élégante les caractères de l’écriture japonaise, ce qui est le but de la discipline Shodo, c’est vrai. Sauf que le terme ramène beaucoup à la conception traditionnelle très occidentale de ce qu’est « former des caractères élégant » mais la mise en pratique de l’écriture au Japon est (il me semble) sensiblement différente.

Un ami japonais m’avait dit un jour qu’il avait abandonné la voie du Shodo parce qu’il pensait que sa personne se révélait dans les caractères qu’il écrivait et que l’idée d’offrir ce spectacle à tout le monde ou rien qu’à lui-même, lui était inconfortable… je n’avais pas très bien saisi à l’époque de cette conversation et je m’étais dit qu’il était bien trop japonais cet ami (c’est-à-dire beaucoup trop sérieux sur des sujets qui ne méritent pas de l’être autant) mais avec les années de recul maintenant, je crois un peu mieux comprendre son problème.

Voilà, c’est donc parti pour aujourd’hui : je vais tenter de vous l’expliquer en esquissant les différences dans la calligraphie occident-extrême orient dans le post de cette semaine.

Un soir d'été à tendance orageuse (Kyoto - Août 2014)
Un soir d’été à tendance orageuse (Kyoto – Août 2014)

D’où vient la différence entre la calligraphie occidentale et la calligraphie chinoise ? (note : je me limiterais à la partie commune à la Chine et au Japon de tracer les idéogrammes et je botte en touche pour l’instant concernant les caractères 100% japonais).

Trouver l’origine et les raisons des différences est d’une grande complexité mais on peut au moins en observer dans la nature des caractères (i.e. lettres) ainsi que de l’outil utilisé pour écrire.

Pour commencer, concernant la nature des caractères, on pourrait croire d’emblée qu’il y a une différence fondamentale entre représenter un caractère phonétique qui n’est associé qu’à un son et représenter un idéogramme qui porte une signification. En réalité, je peux en témoigner pour vous : au début, je pouvais éventuellement y trouver une différence « un idéogramme, c’est un joli dessin ! » mais avec quelques années de pratique, je ne fais plus aucune distinction à ce niveau-là ! Un caractère est une représentation abstraite et rien d’autre. La différence se situe principalement dans la complexité du tracé : plus le caractère est complexe, plus vous disposez de degrés de liberté pour le tracer… et donc pour y ajouter une petite touche personnelle de créativité également.

Dans notre bon vieux alphabet, il faut reconnaître que la forme des caractères est assez simple et qu’ils s’écrivent tout ou plus en 2 ou 3 traits ce qui ne vous laisse pas beaucoup de liberté pour une petite touche toute personnelle… Cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas faire dans le créatif original dans la calligraphie occidentale mais il n’y a pas beaucoup d’opportunités qui se présentent sur le tracé en lui-même. Par exemple, dans les grandes œuvres artistiques de calligraphie occidentale, on trouve tout particulièrement la technique d’enluminure où l’on travaille l’apparence de la première lettre. C’est un peu comme si on se devait de complexifier le tracé de base afin de « libérer un espace » d’expression personnelle. Sinon, on rajoutera aux lettres des fioritures et tout un tas de boucles aussi, c’est un autre moyen.

Dans le cas des idéogrammes, pour avoir de la complexité dans la géométrie du caractère, il y en a de la complexité ! Une dizaine de traits en moyenne et ça peut aller jusqu’à 30 traits sur un même caractère. On comprend ainsi que, par rapport au style de base d’écriture des idéogrammes le « Kaisho », les autres styles existants consistent avant tout à simplifier le tracé ! On trouve naturellement une très grande liberté de création personnelle dans le simple tracé d’un idéogramme : que ce soit en variant la longueur d’un trait ou de son orientation par exemple, le résultat est sensiblement différent. Face à une telle complexité, il est impossible de reproduire exactement le caractère écrit par quelqu’un d’autre et les caractères que vous avez écrits sont très personnels.

Pour continuer notre jeu des différences, vient se rajouter une composante importante selon l’outil utilisé pour l’écriture. D’un côté, vous avez un stylet / une plume rigide avec une faible déformation même si vous appuyez comme une brute (je schématise sûrement) ; de l’autre côté, un pinceau en poil souple qui peut s’aplatir comme une crêpe si vous ne faites pas preuve d’assez de délicatesse dans sa tenue. L’écriture d’un caractère s’obtient par deux techniques bien différentes et de là aussi en découle des principes bien différents. Dans un cas, on doit exprimer une certaine force de pression alors que dans l’autre, on se doit de la réduire au strict minimum.

Dans l’ancienne Chine des Han (ceux qui ont inventé les idéogrammes kanji), les calligraphes pensaient que l’on pouvait entrevoir dans les caractères tracés l’âme de celui qui les avait écrits. De manière pragmatique et un peu moins spirituelle, on pourra dire que la pointe du pinceau est sensible à tous les mouvements jusqu’au plus subtile, tous laisseront une « trace » dans le trait. L’écriture au pinceau souple est un art d’une très grande transparence ; c’est ainsi que dans la calligraphie chinoise sont mis en exergues les notions de rythme, spontanéité, posture et état d’esprit etc. tout un nombre de facteurs à l’origine de mouvements conscients et inconscients du calligraphe qui se répercuteront sur le tracé.

Qu’en est-il donc de la calligraphie occidentale sur ce point ? Mes connaissances actuelles ne me permettent pas d’être catégorique à ce sujet et j’imagine qu’il existe également une dimension aussi spirituelle que celles des premiers grands calligraphes chinois ! L’état d’esprit se reflète obligatoirement sur l’œuvre d’un artiste de quelques manières qu’il soit. Toutefois, comme on doit exercer une pression importante et volontaire pour déformer la pointe de la plume, les mouvements subtils n’ont pas d’incidence directe sur le trait… Le résultat est a priori bien moins ouvert à l’âme de l’auteur.

Des jolies petites fleurs pas très pudiques !
Des jolies petites fleurs pas très pudiques pour le bonheur de nos yeux !

Voici donc comment la calligraphie chinoise (et japonaise par conséquence) serait un miroir de l’âme particulièrement bien lustré fortement déconseillé aux personnes sensibles trop pudiques !

Souvenirs d’été

Petites fleurs d'été
Petites fleurs d’été

Ca y est : nous sommes entrés dans le cœur de l’été japonais cette semaine, c’est à dire un température avoisinant 35° dans les bons jours (le mercure peut monter jusqu’à 38°C au mois d’Août) avec une chaleur humide qui vous liquéfie sur place. A cela se rajoute le problème de la géographie particulière de Kyoto, un plateau entouré de montagne où l’air stagne et avec très peu de courant d’air. La chaleur perdure même la soirée : c’est donc l’enfer tout le temps ! Il n’y aura que l’arrivée de l’automne pour nous sauver.

Chouette programme d’été en perspective, non ?

Pour voir le bon côté des choses, nous dirons que c’est une période propice aux activités telles que la lecture, la calligraphie ou la sieste… soit des activités d’intérieur… sous réserve que l’intérieur soit équipé par de solides systèmes de climatisation ou de ventilation !

Ce blog pourrait s’en réjouir s’il n’était pas d’avis que la climatisation est une consommation d’énergie importante, que ce n’est pas très bon pour l’environnement et pour la santé non plus. On préférera donc l’utiliser le soir avec parcimonie (sinon avec la chaleur étouffante, c’est impossible de trouver le sommeil) ; le ventilateur et les bords de la rivière Kamogawa seront les seuls moyens à consommer sans modération pour affronter la chaleur du jour.

Les bords de la Kamogawa
Les bords de la Kamogawa

Pour rajouter de la conviction à ce discours jusqu’au boutisme, l’été n’est par ailleurs pas une invention de nos temps modernes : les japonais d’autrefois aussi devaient supporter la chaleur sans avoir recours aux merveilles technologiques qu’offre la fée Electricité alors pourquoi n’en serions nous pas capables aujourd’hui encore ?

Savez-vous ce que faisaient donc nos japonais de l’ancien temps pour supporter la chaleur et surtout pour trouver le sommeil alors que leur maison bien chauffée par le soleil d’un beau jour d’été était devenue une vraie fournaise dans la soirée ?

Une astuce des plus remarquables a été trouvée par les japonais de l’époque Edo (17ie – 19ie siècle ) : le soir, ils se réunissaient et se racontaient… des histoires d’horreur !!! Ils avaient remarqué que, sous le coup de la peur, la décharge d’adrénaline fait diminuer la température corporelle. Vous n’aviez pas remarqué ? Et pourtant on dit bien « sueur froide », « faire froid dans le dos », « le grand frisson »… non ?

Mis à part cela, lorsqu’on regarde la poésie et la littérature japonaise d’autrefois, il semble que les japonais se contentaient avant tout… de supporter l’enfer !!!

A l’image du pauvre Basho à l’affût de la moindre sensation de fraîcheur qui lui permettrait de se reposer enfin :

Un autre moyen pour garder les pieds au frais
Un autre moyen pour garder les pieds au frais

ひやひやと Hiyahiyato

壁にふまへ Kabe ni fuma he

昼寝かな         Hirune kana

« Les deux pieds au frais posés sur le mur, c’est peut être enfin le moment de la sieste »

Dans le journal de Dame Sei Shonagon, dont ce blog vous parlait il y a quelques semaines, on trouve ce témoignage très parlant sur l’été au temps de l’époque de Heian :

« Aux alentours du mois de Juillet, les jours où le vent est violent et le bruit de la pluie est presque assourdissant, le temps se rafraîchit au point qu’on en oublie l’éventail et c’est agréable de revêtir le tissu léger du wataire qui sent légèrement la transpiration et de goûter à nouveau au plaisir du sommeil en plein jour… « 

Ce ne sont que quelques lignes et pourtant de quoi – là, tout de suite – faire rêver ce blog, je peux vous en assurer !

Calligraphie et anti-aging effect

Le journal intime de Izumi Shikibu commence par une très belle phrase où elle se lamente sur notre monde qui est bien plus éphémère et fugace qu’un simple rêve…

Izumi Shikibu
Izumi Shikibu

Pourquoi ? Car cela fait bientôt un an qu’elle pleure la mort de son amant, emporté par la maladie alors qu’il venait à peine d’avoir 26 ans. L’histoire ne s’arrête malheureusement pas là pour elle : l’homme qui va faire son apparition dans le chapitre suivant du journal et qui deviendra son nouvel amant, mourra trois ans plus tard alors que lui aussi est à la fleur de l’âge. Par ailleurs, s’il reste peu de traces ou de témoignages sur la fin de vie de notre courtisane préférée, on sait que le dernier de ses poèmes rendus publiques a été composé à l’occasion de l’enterrement de sa fille, décédée à l’âge de 28 ans.

S’il s’agissait d’une période de paix et de stabilité politique, l’époque Heian portait néanmoins son cortège d’épidémies mortelles et de catastrophes naturelles ; les gens en règle générale ne vivaient pas vieux. On dit que l’espérance de vie à cette période était d’à peine 35 ans… Cette moyenne d’âge a été probablement tirée vers le bas avec la mortalité infantile mais malgré tout, il est aujourd’hui difficile d’imaginer de telles conditions de vie, n’est-ce pas ? A cette époque, ces choses qui nous semblent si évidentes, comme fêter sa quarantaine ou mourir avant ses enfants, n’étaient pas accordées à la plupart des gens !

Mais il y avait aussi quelques exceptions à la règle.

Un extrait de la manière très caractéristique d'écrire de Fujiwara Shunzei
Un extrait de la manière très caractéristique d’écrire de Fujiwara Shunzei

Par exemple, il y a eu Fujiwara no Shunzei (1114 – 1204), une sorte de Léonard de Vinci de la calligraphie japonaise, un homme assez exceptionnel qui a révolutionné l’écriture des kana en donnant un rythme inédit à son pinceau et qui a vécu jusqu’à l’âge de… 90 ans !!! Par-delà de sa forte constitution, c’était aussi un très bon vivant à qui on a reconnu plus de vingt enfants et parmi ses nombreux fils, on compte Fujiwara no Sadaie (1162-1241), le poète-calligraphe à l’origine de l’anthologie de poésie Hyakunin-isshu… qui s’est éteint à l’âge de 79 ans. Dans les trois calligraphes qui ont reçu le titre honorifique « sanseki 三跡 » (les trois plus grand pinceaux du Japon médiéval), le premier Ono no Michikaze (894-967) est mort à 86 ans, le second et le troisième font un peu moins fort, ils restent bien au-dessus de la moyenne : Fujiwara no Sukemasa (944-998) à 54 ans et Fujiwara no Yukinari (972-1027) à 55 ans. Un autre grand classique dans son genre, Ki no Tsurayuki (872-945), dont les écrits sont devenus les standards de l’écriture kana, a vécu jusqu’à l’âge de 79 ans.

Un vieux calligraphe
Un vieux calligraphe

Et voilà où ce blog voulait en venir : de toute évidence calligraphie (et/ou poésie) japonaise et longévité font très bon ménage ! Alors assumons pleinement notre âge en nous munissant d’un bon pinceau !!!

Par petit souci d’objectivité tout de même, soulignons un fait important : dans le domaine de la calligraphie, c’est grâce au cumul des heures d’entraînement sur de longues années que l’on acquiert une maîtrise exceptionnelle du pinceau ; c’est donc d’une sorte de nécessité que découle le fait que  les grands maîtres de calligraphie sont âgés. Un calligraphe, tout talentueux qu’il soit mais qui disparaît « prématurément », aura fort peu de chance de rester dans les annales à cause d’un manque de maturité principalement.

Que la pratique de la calligraphie ait concrètement un effet bénéfique pour la santé… cela reste à prouver effectivement. Tout du moins, on sait que prendre de l’âge (sous réserve de vieillir normalement, entendons-nous bien) n’a pas d’incidence sur la maîtrise du pinceau ; vous progresserez jusqu’à vos derniers instants si vous ne lâchez pas la pratique. J’aurais aussi tendance à penser qu’il y a aussi une sorte d’effet « placebo » très efficace : un calligraphe un tant soit peu ambitieux qui veut faire carrière aura vite compris l’importance d’un entraînement régulier à mener sur plusieurs décennies et d’une certaine hygiène de vie à maintenir également… Tout est permis mais il vaut mieux éviter de boire trop d’alcool pour continuer à manier le pinceau avec dextérité ou pour ne pas oublier le texte que vous voulez écrire par exemple. Ce genre de motivation peut vraisemblablement contribuer à maintenir une personne en bonne santé pendant plusieurs décennies.

Pour reprendre l’exemple de nos seniors calligraphes de la période Heian, c’est un peu l’impression qui en ressort : c’étaient en règle général des personnes qui ont eu une activité calligraphique et poétique soutenue jusqu’à la fin de leur vie… à l’image du doyen, Fujiwara no Shunzei, mort de la malaria qu’il aurait probablement attrapée en assistant à un concours de poésie dans lequel il présidait le jury… c’étaient malheureusement les « risques du métier » à cette époque et je vous rassure tout de suite : aujourd’hui la calligraphie japonaise ne présente pas plus de risques qu’un traitement hormonal au DHEA.

Clause perdue

Pour le post de cette semaine, je vais vous parler politique même si je n’aime pas trop aborder ce genre de sujet surtout dans ce blog qui ne devrait avoir d’yeux que pour la calligraphie, la poésie et les petites fleurs.

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Sauf qu’une fois n’est pas coutume et surtout, c’est un sujet qui nous concerne tous !

Tout a commencé dimanche dernier et alors que j’étais pressée de rentrer chez moi, je suis passée devant un groupe de manifestants où une des personnes qui distribuait des tracts m’a un peu forcé la main.  « Vous le lirez plus tard » a-t-elle ajouté (mon parapluie cachait mon visage et que la personne n’avait sûrement pas remarqué que je n’étais pas japonaise). J’ai été un peu énervée d’être ainsi freinée dans mon élan et puis j’avais déjà une main qui tenait le parapluie, une autre mon sac rempli de livres… j’aurais bien évité cet encombrement supplémentaire !

Résultat des courses plutôt positif en fin de compte : ce tract m’a beaucoup intrigué et au lieu de m’en débarrasser vite fait bien dans la première poubelle venue, j’ai pris mon courage (et surtout mon dictionnaire) à deux mains pour le décoder.

La clause 9
La clause 9

C’était un tract à propos de la clause 9 de la constitution japonaise, vous la connaissez ? C’est une clause très célèbre au Japon et internationalement reconnue par les juristes pour être vraiment unique en son genre. Regardez :

CLAUSE 9.

«Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l’ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux.              

(2) Pour atteindre le but fixé au paragraphe précédent, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre. Le droit de belligérance de l’État ne sera pas reconnu.”      

Cette clause a été rédigée en 1947 alors que le Japon était en ruine, dévasté par les ravages de la deuxième guerre mondiale et de deux bombes atomiques et qu’il portait également la responsabilité de dizaines de millions de morts suite à sa politique sauvage d’invasion et de colonialisme menée en Asie. Les japonais de l’époque ont souhaité que de telles erreurs ne puissent plus jamais se reproduire et ils ont ainsi décidé d’entériner la renonciation de leur pays à toute forme de guerre ou de recours à la force militaire quel qu’en soit le contexte. C’était un geste pacifiste vraiment novateur, ce genre de clause ne se retrouvant dans aucune autre constitution !

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Le premier ministre japonais envoie les forces d’auto-défense japonaises pour soutenir les Etats-Unis

Malheureusement, les politiciens qui se sont succédé à la tête du gouvernement japonais depuis n’ont pas été portés par les mêmes élans pacifistes. Ils ont mené progressivement le Japon à développer et investir dans le domaine militaire en créant les forces dites « d’auto-défense ». Jusqu’à présent, ils avaient envoyé cette armée en soutien des Etats-Unis en Afghanistan ou en Irak mais sans l’autoriser à intervenir directement dans les conflits… sous la contrainte de cette clause 9, le symbole fort de la constitution japonaise qu’ils n’osaient outrepasser.

Cette année, le premier ministre japonais, porté par sa victoire aux élections législatives, a finalement ouvert la brèche. Il a décidé de réviser la constitution et d’y introduire un contournement de la clause 9 afin de pouvoir exercer librement le droit à « l’auto-défense collective» : désormais, l’armée japonaise pourra intervenir directement dans des conflits en cas d’agression… Dans les faits, la majorité des japonais est opposée à cette révision mais, comme pour la réouverture des centrales nucléaires, ce n’est pas un sujet où l’on entendra l’opinion du peuple. Il faut dire que l’histoire du Japon est remplie de régimes totalitaristes – que ce soit sous la direction d’un Empereur ou de dictateurs militaires – la démocratie n’est qu’un concept très récent et encore fragile.

Une caricature du premier ministre japonais déguisé en militaire
Une caricature du premier ministre japonais déguisé en militaire

Signalons aussi que cette manœuvre du gouvernement japonais n’aurait jamais pu avoir lieu si les Etats-Unis s’y étaient opposés. On imagine sans trop de peine que beaucoup de lobby vont se réjouir de voir les yen et la technologie japonaise prêter main forte à l’armée américaine. Une véritable aubaine  pour les américains !

Je réagis un peu tard pour vous proposer de signer la pétition défendant la clause 9 mais… dans ce blog où l’on est un peu pessimiste concernant certains traits de la nature humaine surtout chez les politiciens, on pense qu’il n’y a eu aucun recours possible à partir du moment où le résultat des élections législatives donnait raison et pouvoir au parti politique du premier ministre.

Néanmoins, au milieu de toutes ces choses pas très jolies à voir, peuvent naître de très belles initiatives également ! Une mère de famille japonaise a eu l’idée de proposer qu’on attribue le prix Nobel de la paix pour cette grande clause. Avec les nombreux soutiens obtenus via internet et les réseaux sociaux, le comité Nobel a fini par prendre en considération cette candidature et vous aussi, vous pouvez la soutenir ici.

Le prix ne pouvant être attribué à un article de loi, ce sont les citoyens japonais (qui ont maintenu la clause 9 de la constitution japonaise) qui pourraient recevoir la récompense. Les chances pour qu’ils l’emportent semblent faibles et c’est dommage car ce serait aussi une très belle manière de casser un peu les clichés en montrant que ce n’est pas seulement en terme de haute-technologie que les japonais peuvent être innovants !

Une jolie fleur bien étrange...
Une jolie fleur japonaise bien étrange mais très jolie…

Un bon claquement de porte au nez

Il me semble que je vous ai déjà parlé de cette fabuleuse période du Japon médiéval, n’est-ce pas ? Cette période où le Japon connut un apogée dans la création poétique ainsi qu’une grande liberté en ce qui concerne les relations amoureuses.. et sexuelles !

Récemment, j’ai découvert qu’il y avait aussi des belles histoires basées sur des rapports de simple amitié entre les hommes et les femmes de l’époque. Enfin au moins j’ai trouvé UNE histoire d’échanges platoniques que je vais vous conter dans le post d’aujourd’hui.

Une courtisane japonaise version Heian Jidai
Une courtisane japonaise version Heian Jidai

Dans cette histoire, entre tout d’abord en scène une éminente personne : Dame Sei Shônagon (966?-1025?) une très grande écrivaine et très grande poétesse, auteure d’écrits classés aujourd’hui dans les chefs d’oeuvre de la littérature japonaise : le « Makura no Soshi » (枕草子) littéralement « Ecrits d’oreiller ». La traduction française de ce livre porte aussi le nom « Notes de chevet », un sens qui permet de comprendre facilement qu’il s’agit d’une sorte de journal intime. Il manque malheureusement le double sens japonais de « Makura », l’oreiller : au delà de l’objet physique, il désigne aussi une figure de style en poésie.

Tout cela pour vous dire : Dame Sei Shônagon était non seulement une femme de lettres très intelligente et très cultivée mais elle avait également beaucoup d’esprit.

Dans ses notes d’oreiller, elle raconte à deux reprises les échanges qu’elle a eu avec le grand calligraphe Fujiwara Yukinari (972-1027). De parole de ce blog (de calligraphie japonaise), Yukinari était un calligraphe exceptionnel et il est monté sur le podium dans le classement officiel des plus grands calligraphes de la période Heian.

Une copie d'un manuscrit de Fujiwara Yukinari, excécutée de la blanche main de votre hôte, l'auteure du blog.
Une copie d’un manuscrit de Fujiwara Yukinari, exécutée de la blanche main de votre hôte, l’auteure du blog.

Yukinari n’était pourtant pas un jeune homme très populaire à son époque, il avait la réputation d’être plutôt barbant. Ce n’était sûrement pas un adepte des divertissement « à la mode Heian » ; par exemple, on ne lui connait pas de prestigieux tableau de chasse amoureux.

La première idée qui m’a traversé l’esprit fût que Yukinari n’avait peut être pas été gâté par la nature et qu’à défaut de plaire aux filles, il s’était donc rabattu sur la calligraphie. Cette hypothèse est toutefois réfutée par les notes de Dame Shônagon : Yukinari n’était pas si mal fait de sa personne quand même. Et surtout, il été doté d’un très bel organe… c’est-à-dire une très belle voix, restez corrects s’il vous plait !

Venons-en plutôt au cœur de l’intrigue : un soir, alors qu’ils échangent poèmes et histoires littéraires dans la villa de Dame Shônagon, Yukinari prend congé brusquement, prétextant qu’il ne peut s’attarder plus. C’est un départ impromptu et plutôt inélégant pour cette grande époque de raffinement qu’est l’époque Heian.

Qu’à cela ne tienne, attendez la suite.

Le lendemain, une lettre arrive au domicile de Dame Shônagon, une lettre de plates excuses de Yukinari qui, de sa plus belle écriture, s’explique sur les raisons de son empressement de la veille. Il avait entendu le chant d’un coq et pensant que le jour était prêt à se lever, il était hâtivement rentré chez lui car un travail important l’attendait au palais impérial. Ce n’est qu’en sortant de la villa qu’il avait alors réalisé que c’était encore le milieu de la nuit.

Et oui ! On a vite oublié ce que c’était de vivre dans une époque sans montre à quartz mais cela pouvait générer de nombreux malentendus en tout genre.

Quoiqu’il en soit, à cette gentille lettre d’excuse se doit une réponse ; Dame Shônagon prend son pinceau et, à la hauteur de sa très grande réputation (non usurpée) de femme d’esprit, elle choisit d’ironiser l’histoire. « Un coq qui chante en plein milieu de la nuit ? De quel coq s’agissait-il donc ? N’auriez-vous pas plutôt recours au subterfuge du seigneur Mengchang devant la porte de Hangu ? (A la défense de Yukinari, je me permets de préciser que si votre voisin a soudain l’idée saugrenue de faire de son jardin un poulailler comme cela est arrivé à mes parents par exemple, vous l’entendrez bien ce fameux chant du coq, au moins cinq à six fois avant que le petit matin se lève vraiment).

Dans les grands classiques chinois, on relate l’histoire du seigneur Mengchang et de ses trois mille hommes qui se retrouvèrent devant la grande porte qui bloquait l’accès au col de Hangu. C’était un point stratégique dans l’ancienne Chine car il permettait d’entrer dans le pays de Qi où sourdait la rébellion. La porte était bien gardée et il y avait un couvre-feu, les gardes postés avaient pour ordre de fermer la porte le soir et de ne la rouvrir qu’au petit matin. Là, on était en plein milieu de la nuit, le seigneur Mengchang et ses hommes étaient poursuivis et ils ne pouvaient guère se permettre de perdre de précieuses heures à attendre l’aube ! Le seigneur eut alors l’idée d’utiliser le talent d’un de ses hommes à imiter le chant du coq ; c’est ainsi qu’il dupa les gardes et qu’il provoqua l’ouverture prématurée de la porte. Ils purent alors s’échapper et chercher refuge dans leur pays natal.

Voilà comment étaient construites les vannes de l’époque Heian ! Il me semble qu’elles étaient bien plus difficiles à placer que celles d’aujourd’hui, vous ne trouvez-pas ? Elles faisaient appel à la culture générale de l’individu et les meilleures étaient envoyées par ceux qui avaient une très bonne éducation et une grande sagacité (comme ce fut le cas de notre Dame Shônagon, entre autres). Enfin, il fallait être constamment sur ses gardes car si on plaçait une vanne à votre encontre, il fallait être prêt à renvoyer la balle aussitôt !!! Par exemple, si vous ne connaissiez pas l’histoire de ce seigneur chinois, comment auriez-vous été capable de trouver la bonne répartie ?

Pas d’inquiétudes en ce qui concerne Yukinari, lui aussi est un homme de lettres et la référence ne lui a pas échappée. Dans une nouvelle missive, il se permet d’objecter : l’imitation du chant du coq était destiné à ouvrir la porte à une armée rebelle en déroute… la comparaison ne peut pas tenir ! Yukinari est venu voir Dame Shônagon avec de bien différentes intentions et s’il avait été question de franchir une porte, cela aurait été… la porte d’Osaka.

Et voilà, joli retour de vanne !!!

La porte d’Osaka marque la frontière entre deux provinces du Japon et par un jeu subtile sur les caractères chinois, elle est devenue dans les classiques de poésie japonaise l’endroit où, le soir venu, se rencontrent les amoureux.

Dame Shônagon n’est pas en reste pour autant, détrompez-vous. Pour le final, elle claquera joliment la porte au nez de ce pauvre Yukinari :

 夜をこめて鳥の空音は 謀るとも / Yo o komete Tori no sorane wa Hakaru tomo

よに逢坂の関は許さじ / Yo ni Osaka no Seki wa yurusaji

Le chant du coq en pleine nuit pourrait en tromper plus d’un,

Mais s’il s’agit des gardes de la porte d’Osaka, ils ne seront jamais dupes !

C’est par ce waka que Dame Shônagon s’est retrouvée immortalisée dans l’anthologie des cents poètes Hyakunin-isshu. Il faut reconnaître qu’il témoigne parfaitement des traits de caractère de cette grande Dame pleine d’intelligence et de sagacité !

Les deux cartes du Haykunin-isshu relatives à Sei Shônagon
Les deux cartes du Haykunin-isshu relatives à Sei Shônagon

Un peu de correction si vous le voulez bien…

Dans une ancienne version de ce blog, nous vous avions déjà parlé du grand bananier, vous vous souvenez ? Et bien aujourd’hui on y revient encore.

J’arrête ici les petits nouveaux ou les lecteurs amnésiques : aucun rapport avec une boisson chocolatée en poudre (oui je sais, elle était facile celle là), il s’agit de Bashô (芭蕉 1644-1694), une sorte de Baudelaire nippon sans l’absinthe, l’opium ni les femmes. Car si l’avis de ce blog vous intéresse, les artistes japonais semblent avoir en règle générale une vie bien plus saine que leurs homologues occidentaux. En tout cas, nous retiendrons que l’inspiration principale de Bashô, ce sont les choses de la nature, les beaux paysages et le passage des saisons… le tout en état de parfaite sobriété, s’il vous plait.

Une des nombreuses statues de commémoration du passage de Bashô dans la région Tohoku (Ishinomaki)
Une des nombreuses statues de commémoration du passage de Bashô (devant) et son fidèle disciple Sora dans la région du Tohoku (Ishinomaki)

Bashô, c’était un homme qui a révolutionné la poésie japonaise et un vrai artiste engagé comme ce blog les aime !

Alors attention sur ce que nous entendons par « engagé ». En réalité, il est resté célibataire jusqu’à sa mort même si selon certains témoignages, il « aurait » entretenu pendant de nombreuses années une relation avec une femme qui « serait » devenue mère célibataire dans la période… Le mystère restera entier sur sa descendance ; officiellement, notre poète a entièrement dédié sa vie au célibat et à la bonne cause : la poésie. Il est tout de même le papa reconnu du haiku, une version très courte de poème japonais en trois vers de 5-5 et 7 syllabes. Ou 7-5-5. Ou 5-7-5 (contrairement au tiercé, dans le haiku l’ordre importe peu tant que vous avez la combinaison « deux cinq / un sept »).

Dans sa dernière décennie, alors qu’il s’était fait un petit nom dans le milieu et qu’il aurait pu en profiter pour se la couler douce, Bashô ne s’est pas reposé sur son bananier (ha ha ha elle est bien bonne n’est-ce pas ?), il s’est mis à parcourir le Japon de long en long (la forme de l’île principale) à la recherche perpétuelle d’inspiration pour ses poèmes… tout en tentant de recruter de nouveaux disciples.

Oui mais attention ! C’était une grande prise de risque… Le voyage au Japon du 17ie siècle était bien loin de la franche rigolade d’aujourd’hui dans les trains grande vitesse avec la clim et les sièges inclinables. A l’époque, c’était un véritable défi physique et beaucoup de personnes y ont laissé leur vie… ce fut le cas pour Bashô car la maladie l’a emporté lors de ce qui devait n’être qu’une escale de son (tout dernier) voyage.

Matsushima, classé un des plus beaux paysage du Japon. Bashô a été totalement subjugué par la beauté du lieu qu'il en a eu le ver coupé... Seul ce haiku très facile à retenir lui est sorti de la bouche : Matsushima ya Ah Ah Matsushima Matsushima ya
Matsushima, classé un des plus beaux paysage du Japon. Bashô a été totalement subjugué par la beauté du lieu qu’il en a eu le ver coupé… Seul ce haiku (très facile à retenir) lui est sorti de la bouche : Matsushima ya / Ah Ah Matsushima ya / Matsushima ya

Pour ce qui concerne ce post, nous allons parler d’un autre voyage qu’il a bien fini et dont il a fait le récit dans son très célèbre journal « Oku no hoso michi« . L’étroit chemin du fond. Depuis Edo (l’ancien nom de Tokyo), il est parti dans le grand nord du Japon, cette région rendue tristement célèbre par le tsunami de 2011 mais qui, bien avant ça, contenait un nombre important de sites magnifiques dont les charmes avaient été moult fois vantés par les grands poètes classiques.

Ensuite, il est redescendu vers le sud en longeant le bord de la mer du Japon jusqu’aux environs du lac Biwako. Au total, à peu près… 2400 km !!! Et oui, c’est pourquoi ce blog se permet des prises de position sur l’hygiène de vie des artistes japonais, figurez-vous.

Il existe plusieurs versions de « Oku no hoso michi » car Bashô ne s’acharnait pas seulement sur les kilomètres mais également sur ses écrits qu’il travaillait, retravaillait et re-retravaillait… pour mieux les re-travailler ensuite ! Dans la dernière version du journal, manuscrit réalisée de sa belle main avec son plus beau pinceau, six ans après son retour de voyage, sur les 32 pages, on en compte 24 qui sont retouchées avec des patch pas très discrets… Regardez :

Le manuscrit de Oku no Hoso Michi
Un passage du manuscrit de Oku no Hoso Michi
oknohosomichi2
Un autre passage du manuscrit de Oku no Hoso Michi

Un manuscrit qui a de la correction donc !!!

Ou qui était bourré d’erreurs diront les plus pessimistes de nos lecteurs.

On trouve plusieurs sortes de corrections. Pour commencer, celles qui viennent probablement de petites fautes d’attention en recopiant son brouillon. Dans ce cas, Bashô tentait tout d’abord de les effacer en utilisant un petit bout de bois pour gratter le papier, un peu comme le principe d’une gomme. Quand le seul grattage ne suffisait pas pour masquer l’erreur ou quand le papier s’était déchiré dans la manœuvre, il collait un petit morceau de papier sur lequel il ré-écrivait le ou les bons caractères.

Dans d’autres cas, ce sont carrément des passages entiers qui ont été l’objet d’un bon copier coller à l’ancienne. Pour finir, avec des analyses poussées de radiographie et en vérifiant notamment les fils et les trous d’aiguilles sur la reliure du manuscrit, on a également découvert que cela ne coïncidait pas toujours et que certaines pages avaient été déchirées alors que d’autres avaient été rajoutées après.

Vous allez donc monter au créneau pour protester car merci mais bon on n’apprend pas grand chose de révolutionnaire : vous aussi vous faisiez ça avec votre cahier d’école sous le regard désespéré de votre maîtresse (faut dire que le tipex d’autrefois, c’était du travail de cochon garanti).

Pour la défense de ce blog, je me suis dit qu’à notre époque numérique où l’on ne garde plus aucune trace de nos corrections, un petit rappel sur les fondamentaux du couper-copier-coller ne ferait jamais de mal. Ensuite, permettez-moi de conclure que le génie ça se travaille, il n’y a pas lieu de faire de complexes ou de tergiversions « ai-je suffisamment de talent ou non ? » mais bien de relever ses manches et de se mettre au boulot.

C’est peut être aussi un mythe qui tombe pour ceux d’entre vous qui pensaient que, de part le caractère indélébile de l’encre de Chine, les calligraphes avaient pour obligation d’écrire avec beaucoup de soin sans ne commettre aucune erreur sous peine de devoir tout recommencer depuis le début ! Mais si vous voulez l’avis de ce blog qui décidément aime trancher dans le vif : Bashô avait bien plus de déontologie poétique que calligraphique.

Le secret de la beauté japonaise est ici.

Alors attention !!! Ce blog est prêt à vous en mettre plein la vue avec le post d’aujourd’hui !!!

Des petites fleurs (rhododendron japonais) bien roses comme je les aime !
Des petites fleurs (rhododendron japonais) bien roses comme je les aime !

Mesdames, Mesdemoiselles, vous qui aimeriez tant avoir une peau de pêche, des beaux cheveux noirs et épais qui tiennent si bien la longueur et des yeux en profil d’amande pour faire tourner la tête des hommes ? Pas de problème, dans ce blog on trouve la solution à tous vos problèmes, pour le cas présent, je vous conseille d’aller faire un tour au sanctuaire 河合神社, le temple des Bi-jin (美  人) qui se situe juste à côté du Shimogamo-jinja.

Le temple des Bijin ou de son vrai nom 河合神社 (Kawaijinja)
Le temple des Bijin ou de son vrai nom 河合神社 (Kawaijinja)

Que veut donc dire Bi-jin (美  人) me demanderez-vous ? C’est une très bonne question que vous faites bien de poser et pas seulement car cela me permet de dérouler le fil du post.

Regardons tout ça d’un peu plus près. Dans 美 人, il y a en première place notre ami le kanji Bi  » 美 », qui désigne la beauté mais attention, pas dans le petit sens un peu étroit de mignon ou joli, c’est dans le très grand sens d’esthétique.

Nous avons ensuite l’ami kanji hito « 人 » qui signifie homme / être humain. Par un phénomène curieux que ce blog n’arrivera pas à vous expliquer, le terme de Bi-jin devrait ne faire aucune préférence pour un sexe en particulier et pourtant… il ne s’applique généralement qu’aux femmes. Ce serait un équivalent de « bombasse » en gros.

Et dans ce blog, nous irons même plus loin que ça ! Si on décompose notre ami le kanji Bi, on découvre qu’il est constitué de deux autres connaissances : sur le bloc du haut, vous trouverez l’ami hitsuji « 羊 » qui signifie mouton, et sur le bloc du bas l’ami dai « 大 »  qui signifie grand. Pour les chinois de l’époque, rien n’était plus beau qu’un bon gros mouton bien gras qu’on allait vendre une fortune au marché du coin. Depuis cette époque, les standards de l’esthétisme ont changé, effectivement. On notera que ça a l’avantage de donner un fort bon moyen mnémotechnique pour retenir la composition de notre ami Bi, n’est-ce pas ?

Et ce n’est pas tout ! Quand on l’écrit au pinceau, notre ami Bi est sacrément élégant, vous ne trouvez pas ? Quel est donc son secret de beauté ??? Ce sera un avis qui n’engagera que ce blog mais nous trouvons ici que cela vient de sa belle forme féminine et élancée. Par exemple, si vous joignez les extrémités des traits horizontaux, regardez moi donc un peu la belle courbe que vous obtenez. On en rêve toutes d’une belle taille comme ça !

Un portrait de notre ami le kanji "BI"
Un portrait de notre ami le kanji « BI »

D’aucuns disent que cette courbe n’est pas seulement un standard d’esthétisme pour nos amis les kanji, plus généralement, ce serait une forme particulièrement agréable pour l’œil humain… expliquant ainsi ce mystérieux engouement international pour le Mont Fuji. Vous ne voyez pas le rapport ?

Dans ce blog où l’on aime la littérature japonaise aussi, on est très heureux de vous renvoyer à la lecture d’un de nos auteurs japonais fétiche : Dazai Osamu. Dans sa nouvelle sur les cent vues du Mont Fuji, petite merveille littéraire, il expose particulièrement bien la situation tout en donnant de l’eau à notre moulin. Selon Dazai, s’il est impossible d’établir des raisons objectives pour autant d’enthousiasme autour d’une aussi petite montagne (3776 m), il faudrait sûrement y voir le résultat d’une vaste escroquerie publicitaire qui s’est construite tout au long de l’histoire du Japon autour du point culminant de l’archipel ! Pour ne citer que son exemple fort parlant : sur les estampes de Hiroshige, l’angle de notre montagne atteint 85°, un angle totalement improbable qui nous donnerait Mont Fuji en forme de tour Eiffel… Selon les mesures officielles, l’angle réel se situe entre 124°, tout au plus 127°.

Effectivement, c’est un angle peu réaliste mais agréable à regarder pour preuve ci-dessous. Nos lecteurs maintenant avertis établiront le parallèle avec le profil de notre ami le kanji Bi… non ?

La plutôt "belle à regarder" escroquerie de Hiroshige
La plutôt « belle à regarder » escroquerie de Hiroshige

Dans ce blog où l’on aime bien avoir de grands principes, on vous dira que le secret pour bien écrire nos amis kanji réside essentiellement dans la question de trouver le bon angle, celui qui donnera le profil le plus attractif pour l’œil humain. Et le tour sera joué !

Pour en revenir à nos gros moutons et nos lectrices qui trépignent d’impatience depuis une bonne trentaine de ligne, la démarche à suivre pour devenir une Bijin :

Attention, prétendantes au titre de Bijin, avant tout, suivez scrupuleusement les instructions !
Attention, prétendantes au titre de Bijin, avant tout, suivez scrupuleusement les instructions !
  1. Se procurer la petite pièce en bois en forme de visage. Vous remarquerez qu’au dos de la pièce, vous trouvez les inscriptions « 美人になれますように » que l’on traduirait par « Pour que je puisse devenir une Bijin ». Dans ce blog, on se la pète beaucoup mais parfois on assure pas du tout, c’est vrai : on a complètement oublié de s’enquérir du prix, pardon pardon !!! Soyez rassurée tout de même, ce sera probablement moins cher qu’une liposuccion et toujours bien moins dangereux que des implants mammaires.
  2. Avec son nécessaire de maquillage (ou un simple crayon), personnalisez le visage de manière à ce qu’il vous ressemble dans les grands traits.
  3. Posez-le avec les autres et laissez faire les pros.

Les pros, ce sont les tenanciers de l’endroit qui adresseront de votre part une petite prière au grand kami-sama de la Bijin. Il ne vous reste plus qu’à attendre et sûrement que dans un avenir relativement proche, les hommes tomberont comme des mouches.

J’ajouterai en guise de conclusion qu’à défaut d’être une expérience avec des vraies chance de réussite, ce sera un beau geste pour le commerce local de Kyoto, merci !

De pinceau et d’autre…

Aujourd’hui, dans ce blog qui aime les défis de l’extrême, nous avons décidé de revenir à nos moutons et de vous parler à nouveau de pinceau et de calligraphie tout en gardant autant de lecteurs au début qu’à la fin du post… defi qui ne sera donc pas une mince affaire effectivement.

C’est partiiii !

Dans la chèvre, tout est bon pour faire un bon pinceau !
Comme pour le cochon en charcuterie, dans le poil de chèvre, tout est bon pour faire un pinceau !

En calligraphie, des pinceaux, il y a en a de toutes sortes !!! Déjà parce qu’il y en a de tous diamètres avec des pointes de toutes épaisseurs selon la taille des caractères que vous voulez tracer. Il y en a aussi de toutes longueurs de manche selon votre préférence pour la tenue du pinceau.

Pour les poils du pinceau, vous pouvez aller les chercher sur pleins d’animaux différents, principalement sur les chèvres, les chevaux et les belettes. Les plus pragmatiques de nos lecteurs auront vite réalisé qu’il n’y a pas « naturellement » de chèvres au Japon (ce qui est un gros problème pour les amateurs de bons fromages, ce blog peut malheureusement en témoigner). Mais rappelons que la calligraphie et les pinceaux viennent à l’origine de Chine et c’est là où on va chercher les poils de chèvre s’il y en a besoin.

Attention, il est également dit qu’au Japon, on fabrique des pinceaux avec les cheveux des nouveaux nés mais dans ce blog où l’on ne cherchera pas à vous entourlouper rassurez-vous, sachez que c’est pour le folklore ! Comme le coup de conserver le bout desséché de son cordon ombilical… vous êtes au courant de cette tradition japonaise ? Parait-il que si vous le faites infuser dans l’eau chaude, le breuvage ainsi obtenu deviendrait un puissant remède contre les maladies graves. Et puis aussi, la petite marmotte met le chocolat dans le papier d’aluminium.

Et non vous ne rêvez pas, un pinceau 100% cheveux de bébé !
Et non vous ne rêvez pas, un pinceau 100% cheveux de bébé !

Vous l’aurez compris : un pinceau avec ses premiers cheveux, c’est un souvenir qu’on garde précieusement jusqu’à sa mort et qu’on évitera de tâcher avec de l’encre ou d’abîmer en l’utilisant pour écrire (tant qu’à faire).

Donc nous en étions où ? Ah oui ! Selon l’animal que vous aurez dé-poilé, vous obtiendrez un pinceau plutôt souple (dans le cas de la belette) ou plutôt dur (dans le cas du cheval). En fait, il y a beaucoup de variations possibles (mais seulement 50 nuances de gris) donc vous pourrez aussi trouver des mélanges avec du poil souple à l’intérieur et du poil dur à l’extérieur.

Il y a d’autres paramètres importants qui varient avec l’animal, comme la viscosité du poil (utile pour bien retenir l’encre à l’intérieur de la pointe du pinceau) ou alors l’élasticité.

Si vous êtes toujours en train de surfer sur ce blog... vous êtes dingue !
Si vous êtes toujours en train de lire cet article, c’est que vous êtes dingue, je ne vois que cette explication !

Pourquoi l’élasticité est-elle un paramètre important ? Alors, attention, on entre dans le vif du sujet, préparez-vous, ça traite en réalité des lois de la mécanique élémentaire !

Je ne sais pas pour vous mais dans ce blog, là tout de suite, on se demande si on prend la bonne direction pour relever le défi qu’on s’est lancé de ne pas barber les gens. Bon tant pis, on assume.

Quand vous appuyez légèrement la pointe de votre pinceau contre le papier (sans appuyer comme une brute merci), il y a un retour sous la forme d’une force de réaction (en sens opposé à votre force d’action) qui vient du support où vous avez posé votre feuille. C’est à dire que malgré la pression exercée, le pinceau ne s’écrase totalement et conserve à peu près sa forme d’origine. Vous pouvez sentir comme une résistance qui vient de sa pointe, comme un effet ressort en quelque sorte.

Si votre pinceau est en poils durs et avec peu d’élasticité, la pointe du pinceau ne se déforme pas beaucoup quelque soit la pression, un bonheur pour les débutants qui ont la main lourde !!! Ils pourront facilement écrire sans que le pinceau s’ouvre ou que la pointe parte en vrille. En revanche, pour les styles un peu cursifs, on aura un mal fou à faire suivre des courbes à un pinceau qui ne se déforme pas facilement. Un pinceau un peu plus souple sera bien mieux adapté dans ce type d’écriture-là. Ce serait un peu comme pour le ski : le profil de la paire de ski adéquate est différent dans le cas d’une épreuve de descente ou de slalom.

Ouh la la, j'aimerais pas être à sa place !
Ouh la la, j’aimerais pas être à sa place !

Car ce n’est pas que ce blog aime faire dans le parallèle démagogique mais parce que si en fait, on vous le dit : la calligraphie, c’est comme faire du ski et c’est tout aussi fun (voire même bien plus fun) !!!

Que ça vienne d’une paire de ski ou d’un pinceau, c’est une affaire de sensations avant tout. Avec les sensations qui vous viennent des skis qui sont en contact avec la piste, vous sentez que la neige est dure, que vous êtes entré dans la poudreuse, le profil de la pente etc. et vous adaptez votre vitesse ou votre technique en conséquence.

Pour la calligraphie, c’est la même chose : la neige c’est l’encre, la piste le papier et vous avez votre pinceau en guise de paire de ski. Et je dis ça sérieusement en plus, c’est ça le pire !

Comme pour le ski, il est important d’avoir du bon matériel, certes mais, une bonne technique de glisse vous permettra de palier à toute faiblesse. Tâchez de toujours bien garder le contact avec la piste afin d’afin d’assurer au mieux la descente. Tout moniteur de ski vous le dira : ne mettez pas de tension inutile  !!! Quand vous êtes sur votre paire de ski, les genoux sont bien détendus et en légère flexion. En calligraphie, faites en sorte que le ressort de votre pinceau ne soit jamais ni trop tendu ni trop relâché, c’est comme ça que vous écrirez de jolis caractères.

La où ce blog pêche un peu, c’est pour le planter de bâton car à notre connaissance, il n’y a pas de technique équivalente en calligraphie. En revanche, le verre de vin chaud peut également s’appliquer et d’autant plus si vous optez pour l’alcool de riz plutôt. Après ça, le pinceau a tendance à bien mieux tourner mais attention, c’est surtout dans la tête alors évitez de trop abuser de cette solution qui n’en est pas une.

Je constate avec joie que vous êtes arrivés jusqu’à ces dernières lignes cher lecteur !!! Le défi est relevé, impossible ne correspond pas à la nationalité de ce blog, qu’on se le dise !

Sauf que la tenue du pinceau n'est pas terrible si je puis me permettre Monsieur Bonaparte.
Sauf que la tenue de votre pinceau n’est pas terrible si je puis me permettre Monsieur Bonaparte.